Se libérer de la colère

Il y a quelques mois, une personne est venue me voir à la fin d’un cours et m’a demandé comment elle pourrait se libérer de la colère. Il y avait dans cette question une sobriété et une clarté auxquelles j’étais sensible. Mais surtout, je pressentais le regret de paroles dures et une aspiration profonde, sincère, à évoluer.
Pourquoi se libérer de la colère ? La colère ruminée et la haine constituent les poisons mentaux les plus destructeurs qui soient. Non seulement ils causent du tort aux personnes vers lesquelles ils sont tournés, mais surtout ils nous nuisent et peuvent nous avilir, comme le montre Crossing Guard, le puissant film de Sean Penn.
Plusieurs réponses peuvent être apportées à la question qui m’était posée, lesquelles correspondent à des situations et à des niveaux de pratique  différents.
1.     Mettre la limite avec tranquillité.
Quand la colère est présente en nous, elle semble occuper tout notre espace intérieur et nous semblons collés à elle comme à de la glu. Pourtant, si forte soit elle, cette émotion n’a pas surgi ex nihilo. Il y a eu des signes annonciateurs, des transformations subtiles qui nous indiquaient la modification discrète de notre humeur, avant l’irruption soudaine de la tempête. Mais nous n’y avions pas pris garde. Voilà pourquoi, dans les pratiques du Yoga et du Reiki, nous prêtons une attention constante, nous développons une écoute de plus en plus fine, de plus en plus subtile, de tout ce qui se passe en nous, à chaque instant. Grâce au développement de cette vigilance, il nous est alors possible d’être présent à soi, tout en demeurant présent au monde.
Par le développement de cette attention, nous devenons plus conscients. Et nous percevons qu’avant que la colère n’explosa, il y eut un début d’agacement,  la naissance d’une contrariété. Cette frustration est parfois tout à fait légitime. Si quelqu’un nous bouscule et feint de ne pas nous voir pour ne pas s’excuser, il serait dommageable de faire semblant de ne pas en être affecté, faire semblant de nier cette contrariété ou de la minimiser, en gardant toutefois une rancœur secrète. Les personnes qui ont tendance à se dévaloriser, à se déprécier, à « s’écraser » iraient beaucoup plus mal si elles niaient leur contrariété.  Ainsi, quand le « moi » est blessé, la pratique ne doit pas conduire à le maltraiter encore plus, ni à chercher à l’anesthésier.
Il est important de se faire respecter : c’est important pour soi, mais c’est aussi important pour l’autre personne qui ne nous respecte pas. Car nous serions de bien mauvais amis, si par notre passivité, ou notre couardise, nous l’encouragions à persévérer dans son égarement. Confortée ainsi dans son attitude, elle ne ferait que subir plus tard avec plus de rigueur les fruits négatifs de son karma. Il est donc protecteur et bienveillant de ne pas laisser cette personne se fourvoyer dans une voie erronée et de mettre ainsi une limite par respect pour soi et pour autrui.
Hormis cette situation, si on s’aperçoit qu’on a tendance à s’emporter facilement, à s’énerver pour peu de chose, à être agacé par des riens, on pourra alors chercher à agir sur soi afin de stabiliser notre esprit.
2.     Stabiliser l’esprit
Par la pratique de la méditation dite du calme mental (Shamata), il est tout à fait possible de devenir moins réactif, d’avoir plus de recul par rapport aux situations, et de ressentir ainsi plus de tranquillité intérieure, de stabilité. Pour entreprendre cette pratique, il est ainsi possible de placer notre esprit sur un support de concentration qui peut être le va-et-vient du souffle. Je n’entrerais pas dans plus de détails concernant cette forme de méditation sur laquelle j’ai déjà écrit un article auquel vous pourrez vous reporter.
Cette pratique est puissante et bénéfique. Pourtant, elle n’est pas totalement radicale car elle n’agit que de façon temporaire. Tout se passe comme si nous voulions nous débarrasser des mauvaises herbes qui envahissent notre jardin : si on se contente de les couper, elles finissent inéluctablement par repousser. Si l’on veut se débarrasser définitivement d’elles, il faut alors en extirper les racines.
La dernière pratique que nous présentons ici correspond à un remède vis à vis de la colère.

3.     Développer la patience
La patience constitue l’antidote souverain à la colère.
Comme il m’est personnellement nécessaire de me libérer de ce poison intérieur, je voudrais vous présenter ici le moyen que j’ai imaginé pour m’entrainer quotidiennement.
Mon temps de transport constitue un terrain d’expérimentation sans égal. Utilisant ma voiture 1h45 chaque jour, c’est bien la misère si je ne trouve pas rapidement des raisons de m’exciter : queue de poisson, « sportif » qui prend la route pour un circuit automobile, véhicule qui lambine sur la voie de gauche, moto  qui débouche sans prévenir… sans parler des bouchons !
Pour commencer, avant de monter dans ma voiture, je prends la ferme décision de ne m’énerver en rien durant tout le trajet. Non seulement je renonce aux gestes incivils et aux paroles blessantes, mais je décide de ne pas me blesser avec tout ce qui surviendra. Je génère de la bienveillance dans mon esprit durant tout le trajet et je souhaite à chacun d’arriver à bonne destination sans encombre. Je souhaite le meilleur à tous. Et derrière les vitres teintées du 4x4 vrombissant, j’imagine un homme, une femme, une personne ordinaire, en tout point semblable à moi, pressé d’aller récupérer ses enfants à la garderie,  de rendre visite à sa mère en maison de retraite ou de rapporter un dossier urgent. Cette personne cesse alors d’être un étranger, voire un ennemi, et je lui souhaite un bon voyage en la laissant partir pétaradant. Un motard une fois m’a craché sur le pare-brise, visiblement hors de lui, pour une raison que j’ignorais. Je me sentais intérieurement libre. Sa colère n’était pas la mienne et je le laissais seul à son exaspération.
Grâce à cette pratique, mon voyage se passe bien. J’arrive content, reposé, dispos. Fini le temps où la voiture était cause de stress, de tension, de fatigue. Mon temps de transport n’est plus une charge, ni même un temps mort, c’est devenu un temps précieux de pratique avec mon esprit où je développe petit à petit la patience, la paix intérieure. Bien sûr, j’ai encore beaucoup à faire, mais je me sens avancer dans la bonne direction. Je sais que je suis sur la voie et j’avance avec certitude et confiance. Et le soir, je dédie les mérites que j’ai ainsi accumulés à mon maitre spirituel.

Bien sûr, si vous n’avez pas la chance comme moi de prendre la voiture chaque jour, ne vous sentez pas obligez d’en acheter une spécialement pour enchainer les tours sur le Périphérique ! Ce ne sont pas les occasions qui manquent pour développer la patience : la file d’attente du supermarché, le trajet dans le bus bondé ou la fréquentation des collègues stressés constituent autant de circonstances favorables pour  desserrer progressivement les liens oppressants de la colère.
Pour mettre de votre côté toutes les chances de réussite, fixez- vous des objectifs réalistes : si l’esprit est très instable, irascible, prendre l’engagement de renoncer à toute colère  durant seulement cinq minutes sera raisonnable. La réussite venant, la confiance et l’effort joyeux s’installeront en vous et vous pourrez ainsi passer à dix minutes, etc…

Conclusion
Le Reiki et le Yoga sont des voies de l’action et la transformation de l’esprit constitue une dimension centrale de la pratique.
Plus l’esprit sera paisible et détendu, et plus les soins et auto traitements de Reiki que vous effectuerez seront puissants. Plus l’esprit sera libéré de la colère et plus vous vous sentirez en Union(Yoga) avec vous-même et avec le monde.
En vous entrainant chaque jour, vous parviendrez ainsi à actualiser progressivement la règle de vie fondamentale énoncée par Mikao Usui, le fondateur du Reiki : « Juste pour aujourd’hui, sois libre de toute colère.»

Christian Ledain, Maître initiateur de Reiki, professeur de Hatha Yoga
01 30 61 41 82